Extrait de La Dame en Rose de Pauline Dumail
« Tout seul à Toronto, il a aujourd’hui 24 ans. Il prend son petit déjeuner, quand soudain, la lumière s’éteint, le personnel rentre dans la salle avec un beau gâteau plein de bougies, en chantant « Happy birthday to you ». Tout ça pour… le Monsieur de la table d’à côté.
D’abord extrêmement surpris (« comment peuvent-ils savoir que c’est mon anniversaire ? »), puis se sentant ridicule d’avoir cru que c’était pour lui, Victor se sent finalement bien seul à ce moment précis, d’une solitude qui pèse trèèèès lourd sur son cœur. Il a bien reçu quelques mails de Louise, de Maïa et de ses amis, mais il souffre cruellement de leur absence physique, ainsi que de ne pas entendre leur voix. Il s’est payé un tour d’hélicoptère au-dessus des chutes du Niagara, a dévoré ces paysages magnifiques afin de les graver dans sa mémoire pour toujours, mais avec cette beauté, sera éternellement associé le poids de cette solitude. La carte postale que va recevoir Louise quelques jours plus tard est un peu amère :
« A Vancouver, j’ai vu l’océan : Stanley Park ou la majesté nord-américaine des grands parcs et des arbres rois. Ajoute à cela l’Océan Pacifique avec son air iodé, et tu obtiens un léger chatouille au creux du ventre qui remonte jusqu’aux lèvres, t’ordonnant une respiration profonde, délicieuse, de bonheur et de détente. Soleil et petite brise marine sont la cerise sur le gâteau de ce paradis sur Terre. A Edmonton, j’ai vu les bars, à Calgary, j’ai vu la montagne. Je n’ai trouvé ni ours ni caribou, mais je n’ai pas cherché. Faute de vrai caribou, j’en ai trouvé un en poils synthétiques pour accrocher mes clés. Rien pour accrocher mon cœur… »
Pourtant, les chutes lui ont offert un arc en ciel qui reliait les canadiennes aux américaines. Une douce brise soufflait dans son cou, alors que le bruit de l’eau le berçait, et que le soleil chauffait son arcade droite. Des gouttes d’eau lui chatouillaient le visage, et l’été indien qui commençait à poindre lui avait offert des couleurs et un paysage qui avaient eu un tel effet sur lui qu’il en avait été ému.
Solitude choisie, solitude délicieuse, solitude mélancolique aussi. Ces trois sentiments se bousculaient en lui. Eternelle souffrance, pour un bonheur qu’on veut éternel. Ne pas se décider, vouloir appartenir à nulle part et à personne. Rencontrer puis dire adieu, puis retrouver.
Alors, pour ne pas oublier cette solitude délicieuse, il laissa des traces : le cahier du Fairmont Palliser à Calgary l’atteste : « travelling from one place to another, living everywhere, belonging to nowhere… I am now a French boy in Canada, the country I like the more. You guys are welcoming people. You keep all the advantages of the US standard of living, but leave the values you don’t share. You live in a wonderful country.”
Dernier jour au Canada. Victor aime beaucoup les derniers jours. Ce jour où le regard que l’on porte sur l’environnement appartient presque au passé, mais pas tout à fait. Ce moment où l’on boit avidement tout ce qui vous entoure, afin de garder ces images les plus précises possibles dans sa mémoire. Ce jour où l’on laisse tous ses sens se libérer. Victor fait toujours des rencontres curieuses, parfois incongrues, mais toujours enrichissantes lorsque le dernier jour arrive. Un jour, il s’est arrêté en contemplation devant un monument, et quelqu’un s’est posé à ses côtés et a pris 20 minutes pour lui expliquer ce qu’était ce monument, et pourquoi et comment il avait été construit. Une autre fois, c’est une voyante qui lui a pris la main et lui a dit tout à coup des choses sur lui très secrètes et très vraies.
Aujourd’hui, Victor dit au revoir à une commerçante avec laquelle il a sympathisé, très orientée produits naturels et bio. Elle a un petit coin lecture très agréable, et Victor, pendant une semaine, y est allé tous les jours. Elle lui a conseillé des endroits à visiter pour plus tard, où Victor ira, notamment à Banff, où le paysage époustouflant offrira à Victor un spectacle inédit et charmant. Ils ont discuté longuement, de tout et de rien, et aujourd’hui, le dernier jour, cette femme qui s’appelle Renée lui fait ses adieux.
Elle le prend dans ses bras, et les larmes lui montent aux coins des yeux. Elle lui parle de vies antérieures, lui dit qu’elle est sûre qu’ils se sont connus dans une autre vie. Qu’un lien familial très étroit les unissait. Que le regard est la vitrine de l’âme, et qu’on se reconnaît toujours. Qu’il n’y a pas de hasard. Que Victor n’a pas fait ce chemin et atterri là sans raison. Que parfois, on est amis instantanément. Victor, un peu surpris, se demande s’il rêve ou s’il est bien dans les bras de cette tracassée du bocal. Il la serre fort dans ses bras, la sent le respirer, puis il part sans se retourner, car 2 grosses perles roulent sur ses joues.
Alors que sa raison lui dit « elle est folle », il ne sait pas pourquoi il est autant ému. Son cœur lui dit qu’il vient de se passer quelque chose qui n’est pas anodin. Victor est très rationnel, mais il croit aussi beaucoup aux signes et est fasciné par le monde des choses surnaturelles. Aussi, ce soir, quand il lira le mail de Maïa, restera-t-il sans voix :
« Salut l’éponge !! J’ai fait un rêve bizarre la nuit dernière. J’ai rêvé qu’on était en train de regarder des produits cosmétiques tous les deux, et que je regardais Darcléor, dont m’a parlé ta grand-mère, pendant que tu regardais des produits qui n’avaient pas l’air très catholiques, lorsque tout à coup, pouf ! Tu as disparu. Je me suis réveillée alors que j’essayais de trouver un moyen de te faire réapparaître… es-tu là ???? »
Oui, d’une certaine façon, Victor s’était bien évadé dans un autre espace temps pendant quelques instants, le temps de cette étreinte, pendant laquelle il avait appartenu à un autre univers. Il n’oublierait pas cette étrange rencontre. »
Article mis à jour le 12/08/2016 - Signaler un abus
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